De mon côté, je ressens à nouveau ce vent de révolte contre notre monde... Je m'étais bati un mur d'espoir qui s'écroule à nouveau, tandis que ton site continue inexorablement à en donner... Comment fais-tu ?

Cédric,

Je crois que c'est important que je te réponde là où tu me poses la question, c'est à dire à l'endroit où j'ai choisi de dévoiler ma sensibilité dans ses contradictions mais aussi dans la richesse qu'elle a acquis au contact des autres.

Je ne sais pas si je donne toujours autant d'espoir et je crois que nombre sont ceux qui se sont détournés de moi, blasés ou lassés de mes pensées récurrentes et de mes passions affirmées mais peu visibles au jour le jour.

Je vis certainement moins de choses que tu ne le fais, ou du moins je vis de façon plus posée et rationnelle en apparence mais la vraie vie bouillonne en moi, dans mon esprit, dans mon corps lorsque que je le pousse à bout pour éprouver ma volonté.

Souvent je me demande qui nous sommes, toi et moi, pour paraître à la fois si semblables et si différents de ceux qui nous entourent. Notre mère ? Notre père ? Les deux ensembles ? La vie ? Je ne sais pas m'expliquer cette inconstance émotionnelle qui nous habite et nous pousse sans cesse à quêter un idéal situé au delà de la perception quotidienne de ce qui nous entoure. Le fait est que nous nous sentons comme investis d'une mission que nous ne sommes pas certains de savoir assumer mais que nous ressentons apparemment comme une ardente nécessité.

L'espoir ? Pourquoi je le conserve après les brimades, les frustrations, les vexations accumulées de l'existence ?

Parce que c'est ce qui fonde mon identité, mon authenticité et que si je perds cette petite parcelle de croyance obstinée, je me perds dans la densité d'une humanité trop mouvante pour qu'on puisse s'y fixer des repères durables.

Je crois en des choses abstraites comme la bonté humaine, la richesse du monde, la beauté de la vie mais je ne saurais pas les définir réellement, en donner des illustrations. Pour moi ce sont des modes d'existence, des nécessités absolues qui me permettent de rester aimant, tolérant et suffisamment humble pour ne pas céder à un excès d'orgueil condamnable.

Je n'obéis pas à toute mes valeurs, je ne réponds pas à tous mes idéaux, je sais trouver des justifications à toutes mes faiblesses, je sais excuser tous mes errements à mes propres yeux et généralement à ceux d'autrui mais au fond de moi je connais toute ma vérité, sans mensonges, sans détours.

Je sais ce qui est le plus juste, ce qui doit l'être et ce que je dois viser, et même si je ne suis pas le chemin qui y va en ligne droite, je sais que j'y serais toujours ramené par ma conscience et mes émotions : pleurer et m'émouvoir sont les choses que je conserve le plus jalousement parce que ce sont les témoins de ma vérité.

Tu sais où est la contradiction dans tes mots ?

On ne bâtit pas un "mur" d'espoir, on ouvre un jardin à ciel ouvert où rien ne peux s'écrouler, où tout est constamment remis en friche jusqu'à ce que la bonne graine germe du terreau patiemment travaillé et fleurisse à terme au grand jour.

Ce que je construis est une identité sociale, un avatar au regard des autres qui me permette de m'exprimer en gagnant leur respect et leur compréhension. Je me construis un simulacre d'existence dont je sais pertinnemment qu'il n'est qu'un moyen et non pas la fin qu'on s'évertue à y voir.

Mais la véritable vie est celle qui s'exprime ici, dans mes mots, dans mes créations, dans mon monde et que je déplace progressivement dans la réalité grâce à l'assurance que je prends dans mon environnement professionnel, social et relationnel.

Tu sais, je n'aime pas cette peau sociale que je revêts tous les jours, je m'enflamme souvent contre les injustices d'un système qui se fait chaque jour plus impersonnel et déshumanisé mais je sais que je ne dois jamais céder à la tentation de me croire autrement qu'en transition et de passage : je n'ai pas d'autre foyer que ma sensibilité et le coeur de ceux qui m'aiment. Et tant que je m'enrichirais du second, je saurais préserver l'espoir qui nourrit la première.

Ne laisse jamais les autres te perdre, c'est le seul et unique pouvoir qui n'appartient qu'à nous-même : celui d'être libres d'esprit ! On peut disposer de ton corps mais tu seras toujours le dernier à fixer les limites de ton indépendance et de ta liberté; l'espoir c'est la conscience de cette liberté, le désespoir c'est l'asservissement aux obstacles qui se dressent devant toi : sois fier et apprends de ce qui te fait ployer pour mieux te dresser la fois suivante !

Et surtout n'oublie jamais d'être aussi fou qu'il faut l'être pour espérer réaliser l'impensable, c'est là que réside le mystère de la vie, dans les grandes oeuvres défiant la raison mais qui donnent à l'histoire de l'humanité son véritable relief et à l'homme la possibilité de rêver et d'espérer ...

Et à chaque fois que tu l'oublieras, fais-moi penser à te rappeler jusqu'où nous sommes capables de faire des choses insensées toi et moi, simplement sur un coup de tête et parce qu'on se sent plus vivant qu'à n'importe quel autre moment, avec un monde où tout semble possible ...

Pour le moment je n'ai que ces quelques mots à t'offrir mais tu sais que si tu viens chez moi, nous irons escalader autant de toits, explorer autant de souterrains et parcourir autant de rues et d'univers qu'il nous faudra pour avoir le sentiment de vivre une vie pleine et riche en émotions et découvertes.