C'est curieux qu'on soit toujours confronté à des récurrences alors qu'on a l'impression de faire en sorte d'y échapper.

Le silence est comme une triste malédiction, comme une sentence indéfiniment pareille à elle-même et qui ne signifie et ne signifiera jamais qu'une chose : rien ...

Mon frère me demandait encore l'autre soir : mais quelle est ta lutte à toi, j'ai le sentiment que tu ne luttes plus contre cette société, que tu aspires à y devenir un marginal simplement plutôt que de t'opposer à elle dans le fait qu'elle te nie ta place.

C'est étrange mais tout à coup je me retrouve moi-même en train de construire des discours de toutes pièces alors que je n'avais pas encore la moindre idée de ce qu'était le monde, et de condamner à tous vents tout ce qui pour moi semblait être la victime conscentante d'un processus de digestion effroyable de l'individualité.

Aujourd'hui je donne l'impression d'avoir changé parce que la lueur ne brille plus si passionnément dans mon regard ? Et pourtant je sens toujours ce feu qui me dévore et qui ronge inlassablement chaque parcelle de mon être, cette impression viscérale de ne pas appartennir au monde où j'évolue pourtant de mieux en mieux ...

C'est parce que je n'utilise plus mon baryton pour faire trembler les façades de slogans revendicateurs, parce que je ne brandis plus des pancartes qui appellent à des lendemains meilleurs, que je n'essuie plus les tirs lacrymaux des CRS, que je me lance plus dans des longs et brûlants débats à refaire le monde autour d'une table de militants convaincus, c'est pour cette raison que je ne lutte plus ?

Chaque jour quand je vais gagner ma croûte dans ce monde de stress et de frustration, j'ai au contraire le sentiment de lutter contre le découragement, contre le sentiment d'injustice. Pas assez sans doute, parce que je ne devrais plus m'autoriser un souffle d'air si j'allais au bout de mon raisonnement et que je m'interdisais d'être humain (pour l'heure je n'ai pas d'assez bonne raison pour consentir à ce sacrifice des petits plaisirs quotidiens)...

Je trouve que je suis souvent remis en cause en ce moment, jugé, casé, rangé et jeté comme une lettre à la poste alors que depuis des années j'essaie déjà de me donner une apparence relativement fréquentable, que j'essaie de faire en sorte de m'intégrer un tant soit peu.

Je me sens souvent honteux qu'on me paye si souvent une conso que je ne peux pas m'offrir, parce que je sens comme mon choix a des implications sur ma position sociale. J'ai de plus en plus de mal à me payer des sandwichs au prix habituel de deux de mes repas consistants. Je suis de plus en plus agacé de noter que pour tout je fais une comparaison de prix alors que j'aimerais pouvoir éviter d'être aussi matérialiste (ce qui ne signifie pas que j'aimerais être plus aisé, au contraire ce système pécuniaire m'est de plus en plus étranger).

Je finis par me donner l'impression de rabâcher un discours auquel tout le monde acquiesce mais personne ne correspond et bientôt pas même moi non plus, si je continue à vouloir concéder pour m'adapter.

Alors je vais le dire simplement : vos silences m'irritent, ils me pourrissent la vie et me retranchent dans un isolement que je finis par souhaiter. Je ne crois pas mériter qu'on m'inflige ce qui m'est le plus insupportable après des années de silence complet, ce mutisme confortable. Une personne me disaait que mon blog avait perdu la légèreté de ses débuts et maintenant que je le regarde je me dis qu'effectivement mes textes sont de plus en plus sévères et moroses.

C'est un constat regrettable vraiment parce que je ne suis pas cet être grave qui retrouve de son cynisme et deviens de plus en plus pragmatique, je ne suis pas ce qu'on m'accule à être. Quelqu'un me disait aussi récemment sur mon précédent joueb qu'il me trouvait plaintif et geignant alors qu'il ne m'avait jamais connu ainsi. Et à bien y réfléchir j'ai confié beaucoup de moi ici et ça m'a d'ailleurs vallu de rencontrer bien des gens que je suis heureux de compter par mi mes amis mais ça m'a aussi fait vivre en accéléré ce que d'autres vivent sur plusieurs années et je dois dire que j'ai fait les frais d'une bonne dose d'egocentrisme inconscient et que je ne suis pas prêt à reprendre sur moi.

Or je ne veux pas devenir misanthrope comme j'ai pu le voir chez bien des gens trop déçus, c'est un peu trop simple de dire : je n'aime pas les autres comme ça les choses sont claires, je ne leur dois plus rien et ça m'aide à m'aimer un peu plus. si ça doit m'amener à devenir blasé et fataliste, je préfère prendre mes cliques et mes claques et partir ailleurs où je n'aurais pas l'impression de devoir enfiler le masque de protection à chaque fois que je dois sortir. Si c'est ne plus savoir comment en sourit spontanément sans pincer les lèvres, comment on tombe amoureux, comment on arrive encore à ne pas se méfier des gens par réflexe, si c'est pour devenir une de ces vieilles marâtres ou un vieux bouc qui bêle de sa fenêtre, je crois que je préfère m'immerger dans un cloaque du tiers-monde où mes émotions et celles des autres seront du 100% naturel.

On arrive même régulièrement à me faire croire en la vision famille heureuse, femme et enfants, etc. mais je suis très vite renvoyé à une vision plus radicale, plus passionnelle d'une vie décousue et instable pour moi-même ...

En fait je crois que j'accepte surtout difficilement d'avoir tant bien que mal surmonté ma timidité, vaincu ma solitude pour me retrouver toujours aussi dénué de recours face aux apparences dans la plupart des cas; l'impression que je subirais indéfiniment le procès du regard d'autrui avant d'avoir eu cette chance d'être moi-même tel que quelques rares personnes ont pris le temps de connaître et d'apprécier. Ca m'incite simplement à remettre sous clé une partie de moi que j'ai ouvert à l'approche : je vais recommencer à écrire ailleurs, en tout anonymat et en un lieu absolument désert, mes sentiments tandis qu'ici je resterais évasif et rêveur.

Je me fais l'impression d'être complètement ridicule et de me monter des films alors que la réalité est peut-être aussi simble qu'une addition et que personne n'en a rien à cirer de mes états de conscience, chacun a déjà assez à faire des siens ...

Voilà, pas très édifiant comme texte, demain ça sera passé et je retiendrais simplement l'essentiel et il n'y paraîtra plus en apparence ...