(Jean-Paul Avisse)

Michel Berger - Peut-être toi, peut-être moi

 
Tu restes chez toi à boire un verre,
Devant la télé allumée,
Mais tu vois les choses de travers,
Si tu attends qu'on vienne te chercher,
Maintenant qu'est-ce que tu vas faire,
Quand le programme est terminé,
Tu sors, tu vas prendre l'air,
Te changer un peu les idées,
C'est peut-être moi
Peut-être toi,
Peut-être toi et moi,
Qui pouvons changer ça.

Tu démarres, tu mets la radio,
pour sentir quelqu'un même derrière un micro,
Si tu continues bientôt,
Tu resteras seul à parler tout haut,
C'est peut-être moi
Peut-être toi,
Peut-être toi et moi,
Qui pouvons changer ça.

Le monde est plein de gens qui parlent,
Sans jamais vraiment rien se dire,
Qui vivent la vie qu'on leur prépare,
En oubliant même leurs désirs
C'est peut-être moi
Peut-être toi,
Peut-être toi et moi,
Qui pouvons changer ça.

Peut-être moi
Peut-être toi,
Peut-être toi et moi,
Réfléchis un peu à tout ça?

En ce moment je me remets à lire plus des mots des autres, à écrire aussi davantage des miens entre deux réflexions à côté ...

Et je lis beaucoup d'espoir, beaucoup de solitude, beaucoup de découragement et de déceptions et parfois ces quelques lignes lumineuses autour desquelles les commentaires se pressent comme les insectes attirés par les lueurs vives. Beaucoup de nouvelles résolutions et de dernières décisions, de définitif provisoire, de provisoire qui s'éternise, de contradictions, de va et vient ...

Depuis quelques heures j'écoute Michel Berger qui chante cette fébrilité de la volonté, cette persistance de l'espoir, ces destinées fragiles qui s'inventent au jour le jour mais rêvent d'éternité et je décalque peu à peu toutes ces émotions sur un buvard que je me mets de côté pour marquer les pages importantes de la vie afin de ne pas oublier de les relire au jour où ma mémoire me jouera des tours pendables.

Quand on écoute ces chansons on s'imagine souvent sur un quai de gare tantôt à regarder en spectateur ceux qui viennent d'ailleurs ou qui y vont en se demandant quelles vies ils transportent dans leurs bagages, tantôt à agiter le mouchoir à une silhouette qu'on n'est pas prêt de revoir, tantôt à attendre que quelque chose descende de ces wagons pour venir nous apporter quelque chose qu'on attendrait vainement, ou encore à rêver de ces pays qui se trouvent en fin de voie, là où le train s'arrêtera en bout de monde dans une terre déserte et silencieuse, où les habitants ne sont reliés au reste de l'univers que par le sifflement d'une locomotive à l'aube et au couchant.

Quand on entend Michel Berger chanter pour ceux qui sont loin de chez eux on se rappelle qu'il est loin de chez nous maintenant et qu'en même temps il restera pourtant toujours ici une part de lui aussi longtemps que ceux pour qui il a chanté l'entendront encore dans ces moments où ils tournent le bouton en ayant le sentiment d'être au moins compris par cette voix qui continue de chanter leur vie, douce et intemporelle.

Il y aura toujours une groupie de pianiste pour se sentir moins seul de savoir qu'un autre pianiste lui aura dédié une chanson quand le sien l'oublie, une mademoiselle Chang qui aura son pays au coeur et sa vie ailleurs, une fille au sax qui embrassera les notes de Berger dans la solitude des coulisses d'un club de jazz trop vide, trop triste ...

Et chacun s'arrêtera quelques instants, laissera tomber le masque à ses genoux mis à nu par une voix qui les aura touché plus profond que n'importe quelle autre qui les interpelle en chaque jour; la mélodie s'insinuera sans résistance et déballera tout ce qui gît emballé et ficellé dans les placards sombres d'une âme qui s'était un peu oublié dans les regards indifférents de l'autre ...

Et comme dans ce magnifique passage du film magnolia où chacun se retrouve face à lui-même dans un instant de solitude, la conscience s'offre ce moment de vérité avant de remettre les verrous et le fard tandis que quelques frissons s'aventureront encore quelques instants là où il fait froid quand France Gall nous rappelle le souvenir de celui qui s'est endormi dans ses bras ...

Voilà, j'avais juste envie de l'écrire pour ceux qui, peut-être vous, peut-être moi, feront que les autres seront moins seuls au monde à chaque fois qu'ils chanteront un peu de ce que vivent les autres et vivront un peu de ce que chantent les autres ...

En hommage à Michel Berger et dédié à Megalomania, Calimera et d'autres qui partagent parfois avec lui quelques larmes mais continuent leur route tant bien que mal parce qu'ils portent en eux son espoir et son si beau et doux sourire ...