Déguster un thé le soir en méditant sur la vie, le monde et la journée passée, écouter Bob Marley et sentir le son au diapason du corps qui se détend, voilà une sensation incomparable.

Je repense à ma soeur-amie qui s'efforçait de sourire dans sa douleur hier soir et qui essayait de trouver la joie dans son coeur dévasté par une vie cruelle. J'admire son courage, je me dis qu'elle mérite à elle seule que je n'oublie jamais d'écouter mon coeur, et cela même quand je serais épuisé. La voir donner de soi lorsque tout en elle est souffrance affermit ma foi en la bonté humaine et m'incite à croire encore plus profondément dans les vertus de l'altruisme.

Je repense à ma mère qui tourbillonne dans l'existence comme une toupie parce que nulle part elle ne trouve le socle pour se reposer véritablement. Simplement parce que le passionnel n'a pas vraiment de place, parce que sa nature impétueuse, indomptable n'a pas trouvé de sanctuaire à son image, de répondant à sa mesure. Huit années de hauts et de très bas à tempérer et relativiser mais le plaisir de la voir fidèle à elle-même, capable de renaître comme un phénix en chaque instant.

Mon père, laborieux, humble, généreux, simple, et toutes ces désillusions qui l'ont heurté comme l'écume percute la grève. Erodé mais persévérant, désillusionné mais aimant envers et contre tout. Un homme que j'ai mis du temps à comprendre, avec lequel j'ai mis du temps à trouver des mots mais que j'aime pour sa gentillesse, pour avoir toujours respecté nos choix et les avoir accompagné de son mieux à sa façon malgré tous ses désaccords. Aujourd'hui avons nous en commun l'envie de simplicité et de repos  ...

Toi ma demoiselle timide, si différente et si semblable à moi que je ne saurais dire en quoi tu l'es. Ta présence qui me réconforte, m'arrache à ma solitude et me remplit d'une tendresse que je souffrais de ne pouvoir offrir. Ces deux jours qui nous séparent d'une vie à se lever et se coucher les yeux dans les yeux, une vie à construire en tissant ensembles liberté et amour. Je n'appréhende plus, je suis serein et je nous fais confiance, parce que nous avons fait les bons choix jusqu'à présent et que nous avons su construire entre nous un dialogue sincère et respectueux.

Mon frère orageux et téméraire, formidable et exaspérant à la fois, dans sa capacité à forger le monde à ses envies, à se faire adorer de ceux qui l'entourent, à savoir justifier jusqu'à l'injustifiable, réussir jusqu'à l'improbable. Tu vas me causer du soucis mais me rendre fier de t'avoi, bien des fois encore; tu es le seul à pouvoir bouleverser ma vie du jour au lendemain, parce que tu es le seul que je serais capable de suivre vraiment n'importe où, au péril de ma vie.

Et puis il y a le monde, la société, le travail, les gens de tous les jours, que j'apprécie autant qu'ils me déçoivent, selon les jours. Mais tant qu'il y aura des beautés merveilleuses ou tragiques assez vives pour me faire pleurer comme un enfant, alors je continuerais à me dire que je ne me trompe pas en leur consacrant l'essentiel de mes énergies et de mon temps. L'hypocrisie et l'individualisme resteront toujours mes plus grands ennemis, sous toutes leurs formes, même les plus anodines. Parce que je les tiens pour responsables, quand ils sont conscients d'eux-mêmes, de ce que la vie de certains est aussi cruelle. Rendre un sourire au moins, et un bonjour à celui qui tend la main, est le don de soi le plus élémentaire, ne serait-ce que pour préserver la dignité de l'autre.

Enfin je ressasse les mots de Farhenheit 451 dans mon esprit et je me dis que plus de cinquante ans après, le livre est aussi cruellement actuel que peut l'être 1984 de Georges Orwell. N'oublions pas de réfléchir, de lire, de conserver au travers nous ce qui fait la richesse culturelle de l'humanité : la somme de ses savoirs; quels qu'ils puissent être. C'est la culture qui tient l'homme éloigné de sa bestialité mais cette culture n'est rien si la morale n'en donne pas les clés de lecture. Evitons de brader les valeurs en cherchant à les simplifier ou les mercantiliser.

Le son s'arrête, la théine s'est dissipée dans mes veines et le sommeil emporte mes dernières réflexions, je clos donc cette fenêtre pensive pour une nuit rêveuse ...