Ma ville ...

Je t'avais dit que je te raconterais la ville que je retrouve souvent dans mes rêves, je ne sais pas si je saurais réellement te la décrire ...

Elle est vaste, si vaste que j'ai souvenir d'y avoir beaucoup vagabondé lorsque le sommeil s'empare de moi et que je quitte mon lit pour retrouver cet endroit fascinant.

Je ne sais pas très bien par quel bout la prendre, ce n'est pas comme si je connaissais le nom des rues ou encore le numéro des lignes de métropolitain qui n'ont de cesse de se croiser dans les airs comme sous terre. Elle peut sembler classique mais quelque chose en elle lui donne un charme incongru; je crois que ce sont entre autres ces places où la vie ne cesse jamais de s'épanouir, de nuit comme de jour, avec les orchestres qui s'approprient les lieux du vieux centre, les palaces qui illuminent les façades d'immenses immeubles hausmaniens qui s'élèvent à des hauteurs vertigineuses, les sentes tranquilles qui se dissimulent dans des faubourgs verdoyants et sont bordées tout autant de vieilles demeures pierreuses ...

Je me souviens que lorsqu'on pénètre le vieux centre à la nuit tombante, on peut goûter la fraîcheur du canal qui s'engouffre avec un vent frais entre les très basses façades ornées d'anciennes boiseries. Les commerces y sont nombreux et ne désemplissent pas même lorsque l'heure est tardive; il faut dire qu'ici et là les maisons qui proposent de très fantaisistes attractions, remportent un franc succès : qui n'a pas eu l'envie un jour de s'aventurer dans un labyrinthe mystérieux de sons et lumières sans que cela ne connaisse une fin trop rapide ? Les âmes plus contemplatives et en quête de quiétude trouveront au détour des rues un petit chemin qui enjambe une vaste écluse pour rejoindre un magnifique musée perdu dans la verdure (on m'excusera de ne plus me souvenir ce que l'on y exposait mais j'ai encore une vision bien précisse de la chapelle en bois attenante qui m'avait amenée à une curieuse rencontre qui devait m'égarer en fin de compte dans les ruines d'une sorte de favela situé bien au-delà). A l'opposé du canal il y avait aussi cette très impressionnante église gothique dont le coeur était pourvu de bien des richesses mais où le plus intrioguant était encore cette immense halle de prière situé au-delà d'un petit portail clos d'une porte vitrée (il me semble bien avoir été entraîoné ici dans une histoire de kabbales particulièrement tortueuses). Quoi qu'il en soit, je recommande vivement le passage par ce vieux centre où les petits baraquement de bois offrent une vision très pittoresque lorsque d'innombrables petits lumignons colorés dansent dans les reflets du canal et que ls senteurs sucrées des friandises flottent dans l'atmosphère festive.

De là je ne sais très exactement comment on accède à la ville hausmanienne, sans doute avec l'un des métropolitains souterrains ou un petit bus de ligne. Toujours est-il qu'on laisse derrière le pittoresque pour le somptueux; de très larges boulevards sont lieu d'un intense trafic de piétons et tramways. Les grands magasins, les grandes places-terrasses, les orchestres qui se disputent le pavé, le grand complexe culturel moderne qui s'élève sur une immense place et qui donne accès au transport le plus insolite qu'il m'ait été donné de voir : les rails accrochés à la cime des très hauts immeubles hausmaniens (je précise que la hauteur est réellement vertigineuse, ce qui laisse imaginer les dimensions des façades et pâtés de maisons) et qui laissent transiter sur de très longues distances (je crois avoir passé un certain mmoment à suivre l'une de ces lignes) des rames suspendues, telles de longues chenilles à larges verrières et dont le design m'évoque un peu l'art de l'école nancéenne. Je ne saurais pas dire ce qui justifie des dispositions si vertigineuses mais je garantis l'imprenabilité de la vue. Ici aussi le soir on peut, si on possède la fortune nécessaire, jouir d'innombrables distractions : les établissements de restauration, les théatres et les cinémas rivalissent d'excentricité pour proposer des soirées mémorables (je crois que même dans mes rêves il m'a fallu me contenter d'un sympathique cybercafé par manque de finances pour prétendre aux fastes que j'ai pu appercevoir au travers des vitrines).

Si vous avez pris le métropolitain, vous devriez parvenir vers les facultés, deux grands campus qui s'étendent de part et d'autre d'une avenue très large, enjambée par une haute et imposante arche de pierre. Le premier campus, sur la droite en venant par l'arche, rassemble d'innombrables constructions très futuristes autour d'un long et vieux bâtiment aux allures victoriennes. Je me souviens y avoir suivi un cours au rez-de chaussée, hélas rénové et avoir parcouru de très hauts couloirs bordés de colonnades (je ne vous cache pas l'austérité du lieu). Je suis également passé par un amphithéatre en ovale qui m'a rappelé un peu la chambre des lords londoniennes si ce n'était ces gradins très raides et ces splendides, boiseries des bancs entourant la loge du professeur. Une très riche bibliothèque est situé non loin de là, dans un bâtiment ultra-moderne et sophistiqué où tout n'est que verre et ouverture, silence et pleinitude. Au-dehors, s'évasant en pente douce entre les caissons plutôt disgracieux des autres bâtiments de cours, une pelouse s'éloigne en direction du restaurant universitaire et des résidences qui se situent au-delà : rien de bien notable sinon que les résidences sont mal famées et que si je n'avais su user de diplomatie, je crois que j'aurais laissé quelques valeurs aux bandes des barres d'immeubles voisines qui se rassemblent là le soir (je crains que mes rêves n'aient d'ailleurs été trop imprégnés d'un sentiment vécu). A l'opposé, avant que le campus ne rejoigne une grande arcade, on retrouve de plus imposantes résidences, vastes tours de verre et de fer dont les dimensions sont telles que les appartements forment de véritables petits quartiers où chaque porte possède son code et où les sanitaires communs confinent à l'abattage de masse.

L'autre campus, perdu au détour des rues, sur la droite de larche surplombant l'avenue, présente un style plutôt stalinien et ne doit son confort qu'à un très agréable parc qui borde le canal et donne le sentiment que la faculté fut délaissée il y a bien longtemps à la verdure.

Je pense que je pourrais, en creusant bien dans les méandres de ma mémoire, vous décrire nombre de lieux de cette ville, les souks asiatiques qui jouxtent les vastes centres commerciaux, ce quartier aux allures de quartier populaire indien, avec des ruelles sombres et étroites entre des demeures boisées hautes et imbriquées. Ce n'est peut-être pas qu'une seule ville mais comme je suis revenu plusieurs fois en certains lieux de celle-ci, je me plais à croire qu'elle forme une métropole un peu hétéroclite qui reflèterait toute la multiplicité de ma personnalité.

Mon principal regret est de ne pouvoir rapporter tout ce qui est réellement extraordinaire et que ma mémoire ne parvient à saisir que par bribes, tous ces endroits qui défient l'entendement et dont je m'étonne parfois qu'ils puissent germer dans mon sommeil ...

Voilà, je voulais vous faire partager, te faire partager la vlle où je vagabonde en certaines de mes nuits ...

Et vous ? Racontez-moi donc où vous errez la nuit ?