Symphonie n°2 de Mahler ce matin au travail ...

J'avais laissé cette image dans mon répertoire après l'avoir plusieurs fois en tête d'article puis retiré et là j'ai eu l'envie de l'associer aux sonorités épiques de Mahler.

Toute mon enfance a côtoyé l'architecture réligieuse, l'art liturgique; j'ai grandi dans les églises, les fresques, les vitraux, les icônes, les peintres de toutes époques. Pas un rayonnage de mes parents qui ne soit consacré aux cathédrales, à l'art antique ou moderne. Ma mère a durant des années dévoilé aux touristes les secrets de l'architecture Troyenne, décrit les moeurs et sociales des époques passées, fait découvrir l'impressionisme, le réalisme, le classisisme, le baroque, le naïf, l'africain, l'antique, l'art sous toutes ses formes ...

Dans nos voyages nous nous sommes souvent arrêtés dans ces petits cloîtres cisterciens silencieux, ces petites chapelles orthodoxes grecques, les magnifiques et nobles églises en bois héritées des vikings, les grandes mosquées d'Andalousie ou encore les anciennes et sévères abbayes saxonnes.

C'est tout un livre d'art réligieux qui s'ouvre dans mon esprit lorsque je me projette dans mes souvenirs. Ressentir les frissons de ces endroits sublimes où la foi a fait des prouesses inégalées, ou le talent dédié au divin a produit ses plus grandes oeuvres.

Le paradoxe d'un athéisme profondément ancré mais qui a été immergé dans la croyance des autres. Je crois simplement dans la force de la croyance des autres : lorsqu'on voit de telles merveilles on ne peut douter de la puissance créatrice d'un homme animé d'une foi. C'est pour cela qu'il ne me viendra jamais à l'idée de vouloir sortir un homme de sa croyance, parce quel'homme qui croit a des valeurs que l'homme qui doute n'a que très rarement. Parce que l'homme profondément empreint de sa foi forgera de ses mains ce que l'homme incrédule renoncera trop souvent et trop rapidement à accomplir sous l'influence de sa raison.

J'ai toujours rêvé de loger dans un grenier d'église, là où l'atmosphère est si sentencieuse et chargée de mystère, de révérence que je me sentirais pleinement dans mon élément. Un grand espace de charpentes, de bois anciens, des rais de lumières qui viennent strier le sol et les roucoulements de piegeons sur la vaste toiture. Les cloches qui résonnent l'édifice et les sonorités de l'orgue qui s'élèvent avec les chants liturgiques, vibrants. Je crois que je m'y sentirais pleinement dans mon élément, un terrain magique pour mon imagination de sentir les siècles dans ces vieilles pierres.

Dans cette image je retrouve un peu d'un très beau roman d'enfance, La Citadelle du vertige d'Alain Grousset où des hommes élèvents depuis des siècles une cathédrale au-dessus des nuages, toujours plus haut, sans savoir même à quoi ressemble la terre sur laquelle elle est censée reposer. J'en retire la morale que tant qu'un peuple construit il s'élève, au jour où il ne fait plus que restaurer et entretennir il décline, se fissure de toutes parts avant de connaître la ruine : on ne reproduit pas le faste d'antan avec les vieilles pierres qui ont pris le gel, les vents et la pluie battante ...

Il y a un esprit, une âme qui habite ces vieux édifices, ceux qui veulent refaire à neuf le vieux oublient souvent qu'ils désincarnent ces sanctuaires, les évident de la présence silencieuse qui les habite depuis des siècles.

Quand je me tiens là sur les colonnes écroulées d'un temple grec ou au coeur de l'ancien jardin d'une ville romaine, sur les ruines d'un castle écossais, je sens cette âme, je m'en empreint avant que les touristes ne la violent, la piétinent, intempestifs et grégaires ...

"Delenda est carthago"

C'est ainsi que Scipion scella le sort de Carthage qui fut rasée à ras de terre, rivale glorieuse de Rome mis à sac, à feu et à sang ...

C'est l'âme de cette histoire-là qui habite ces lieux retournés au silence, c'est ce deuil là que les hordes touristiques violent des siècles plus tard en dérobant la paix du silence, c'est une blessure de l'histoire qui est rouverte lorsqu'on déracine la nature qui depuis avait rétabli son harmonie ...

La mémoire des siècles, voilà ce dont j'aime m'imprégner, m'enrichir, m'instruire ...