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Nina : Juste de passage pour te souhaiter un joyeux anniversaire ...Ça fait plus d'un an que je lis tes écrits, sans laisser de traces ^_^.... Georges Brassens avait raison, "ce qu'il faut de malheur pour écrire la moindre chanson" ! Si le chagrin est toujours trop envahissant, au moins il permet chez certains une belle créativité !!! Je te souhaite de ne pas avoir envie d'écrire trop souvent, sauf si c'est pour nous offrir des élans de joie !!! Si je t'encourage à écrire, jamais je ne souhaiterais que tu sois triste pour arriver à écrire de bien belles choses .
Songe : La plupart du temps les beaux moments se vivent et les tristes s'écrivent, c'est ce qui fait soit regretter l'écriture soit jalouser la vie dans les entre-deux, quand l'intensité n'est là ni pour se vivre pleinement ni pour apporter suffisamment d'inspiration. Mais heureusement il y a le souvenir et le ressenti pour ressusciter les peines et les joies et s'en imprégner suffisamment pour qu'il y ait de l'encre à l'encrier :) Merci d'avoir mis un peu d'encre ce soir dans le mien, ça m'a donné envie de me souvenir que j'aime écrire :) Youssouf : Bonsoir, Songe. Pardonne moi de t'avoir agressé stupidement il y a 16 ans. J'étais très con. Songe : Il n'u a rien à pardonner, sinon à toi-même :) nous ne sommes pas ce que nous fûmes mais nous pouvons être ce que nous aimerions devenir ... babao : coucou d'il y a très longtemps, j'espère que tu vas bien. Réagir :
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Eté 2010 - Episode 1 : la Grèce
C'était un bel été, très chaud puis très frais et pluvieux sur sa fin, mais un bel été quoi qu'il en soit.
Deux semaines et demies d'échappée belle avec mon frère, l'occasion de se rendre compte à nouveau comme nous sommes complémentaires et nous nous entendons bien; pour moi c'est quelque chose d'infiniment précieux cette relation de complicité qui me relie à mon frère. Un voyage pas très vacancier mais finalement bien plus riche que si nous nous étions contentés d'une simple virée estivale sans autre but que de jouir du temps et du dépaysement. Depuis quelques temps déjà mon frère et moi nous intéressons de près à la situation de l'immigration en France et en Europe, conscients que c'est à la manière dont des pays accueillent l'étranger qu'on peut estimer son repli identitaire : l'hospitalité est à mes yeux une valeur fondamentale qui illustre le respect, la compréhension et l'acceptation que les individus ont les uns vis à vis des autres. Aujourd'hui nous sommes inquiets que dans la nation des droits de l'homme, que dans une Europe qui se veut moderne, progressiste et ouverte sur le monde, il y a ait un refoulement aussi inhumain à ses frontières de ceux qui n'ont commis comme crime que d'espérer un autre avenir que celui parfois dramatique de la guerre, des atteintes à leurs droits les plus élémentaires ou de la misère que subissent nombre de populations encore à ce jour. Nous avons donc décidé de nous rendre compte de la réalité des frontières de l'Europe, savoir quelle est la condition de ceux qui, afghans, africains, kurdes, asiatiques, etc. tentent leur chance à travers l'océan, de nuit comme de jour, dans des conditions souvent effroyables. En Grèce nous avons donc rencontré ces nombreux migrants qui après un passage mortel par la Turquie parviennent aux barbelés de la Grèce, réduits à s'accrocher sous des camions à 50°C pour pouvoir traverser vers l'Italie et prendre ensuite la route de la France, la Belgique, l'Angleterre, l'Allemagne, la Scandinavie. Avant même ma descente du bateau je vois dans le port six gardes grecs rouer de coups et coups de pied un migrant échappé d'un camion et rattrapé contre le mur d'enceinte, sous les yeux médusés des touristes. Une bonne mise en situation ... Je débarque finalement de nuit à Patra, après 36 heure de traversée avec un équipage aussi aimable qu'un personnel de pénitencier mais un décor magnifique de mer adriatique sous un soleil brûlant. Mon frère est là, dans la douceur de la nuit, seul au milieu du quai, content de me retrouver après une semaine passée avec les migrants à Athènes et Patra. Nous allons poser mes affaires puis visiter ce port touristique où les restaurants s'alignent en brochette au long des trottoirs. A flanc de pente, la ville s'étage lentement en larges avenues coupées de petites ruelles étroites. Le décor est paisible et riant pour une réalité de vie effrayante des centaines de migrants qui stagnent là dans leurs tentatives de rejoindre l'Italie. Nombre de soudanais et d'afghans dorment dans les carcasses de vieux trains éventrés tandis que des dizaines d'algériens fouillent les poubelles et vivent, au mieux, dans des maisons abandonnées, espérant le passage attendu vers la France, leur seconde patrie. D'autres plus débrouillards, parmi les soudanais et les nord-africains sont parvenus à trouver de petits emplois ou font de petits trafics (médicaments, portables, etc.). Ceux-là vivent dans des apparts loués ou des squats aménagés en maison (la harba pour les algériens). C'est dans ces appartements et squats que nous dormirons et logerons les quelques jours passés là-bas, très bien accueillis par les adorables occupants des lieux qui insistent pour nous offrir de leurs maigres revenus des repas délicieux. Nous ne resteront tout d'abord qu'une journée avant de rejoindre Athènes, ce n'est qu'après que nous reviendrons là, passant nos journées à observer le port et ses gardes hyper violents et à discuter de façon très enrichissante avec les migrants afghans, soudanais, nord-africains. Le quotidien est calme pour l'essentiel. Seules les heures des traversées de bateaux rythment les journées désœuvrées de ceux qui courent après les camions pour ramper dessous au premier feu de signalisation, ou escaladent les barbelés et se glissent entre les lames de rasoir pour s'introduire dans le port à la moindre inattention d'un des gardes en treillis qui patrouillent derrière les grilles et n'hésitent pas à manier de la matraque et du coup de pied/poing. Parfois les papiers, les affaires, le portable finissent à la mer, parfois aussi c'est l'enferment dans le container, un long container comme celui des paquebots dans lequel on entasse les migrants à 40 sans lumière, parfois une semaine avec un repas par jour. Il y a aussi les rixes entre communautés pour des territoires (lorsque les roms ont dit aux soudanais de ne pas souiller l'eau de mer où ils se lavaient, ces derniers ont lavé l'affront en brûlant les voitures des roms). Mais tous sont néanmoins gentils et joviaux lorsque nous passons du temps avec eux. Ils craignent parfois que nous soyons journalistes mais mon frère est déjà venu quelques mois avant et la plupart savent que nous sommes avant tout soucieux des droits humains et de leur situation. Ils nous parlent donc librement de leur passé, de leurs vies, avec des paroles parfois emplies d'une sagesse qu'on est peu habitués à entendre dans nos vies trop hâtives et irréfléchies. Nous avons face à nous des combattants, des professeurs, des chanteurs, des musiciens, des hommes tiches de leur culture et qui ont une conscience et connaissance aigüe du monde qui les entoure et des enjeux de leur situation. Les discussions durent parfois plusieurs heures, tant elles sont riches pour nous comme pour eux. A l'heure où j'écris je vois tous leurs visages et je me demande ce qu'ils font, est-ce qu'ils pleurent, est-ce qu'ils rient, est-ce qu'ils chantent leurs beaux chants en cercle dans un parc ou est-ce qu'ils fuient des gardes qui les délogent dans leur sommeil, sous la douche, partout où ils tentent de préserver leur dignité. Ou bien sont-ils accrochés sous un camion, avec une petite bouteille d'eau, noirs de cambouis, attendant au fond d'une cale de bateau que le véhicule sorte de l'autre côte de la mer et échappe au second contrôle des gardes italiens. J'espère sincèrement les revoir, parce que j'ai de l'amitié pour ces hommes touchants et fiers, porteurs de valeurs bien plus fortes que nombre de celles que nous pensons avoir. A Athènes nous avons trouvé la chaleur étouffante des 46 °C qui font brûler l'air, le sol et notre peau à chaque pas. Mais à Athènes ce n'est pas tant le climat qui nous as oppressé que l'atmosphère souvent malsaine que nous avons trouvée. Mon frère avait sympathisé avec nombre d'algériens du quartier d'Onomia, qu'ils nomment Aramia, le quartier des voleurs. Et pour cause, ici c'est le domaine des trafics en tous genre, du deal de drogues dures, à la prostitution et en passant par les vols à la tire ou l'agression. Nous avons pu rencontrer les intermédiaires qui fournissent de faux papiers aux dizaines d'algériens qui tentent leur chance quotidiennement à l'aéroport d'Athènes. Nous avons visité les hôtels clandestins où les migrants payent entre 3 et 5 euros leur nuit. Nous avons aussi rencontré ceux qui dérobent leurs valeurs aux dames et touristes le soir dans les quartiers plus fréquentables ou sur l'Acropole. Aussi chaleureux que les autres, on les imagine mal prendre à la gorge une vieille dame pour lui arracher ses bijoux. : ici tous les repères sont bouleversés. Nous avons traversé la ruelle des bordels où les façades décrépites évoquent des cases de favelas sur la façade desquels une loupiote signale que derrière les volets des filles prennent 15 euros pour la passe. Nous avons traversé à minuit le square des junkies aux abords duquel les nigérians vendent la drogue sous le regard indifférent d'un escadron de policiers anti-émeutes armés jusqu'aux dents. Dans le square nous avons accéléré le pas, effrayés par le spectacle de dizaines de junkies errants, gisants, parfois yeux ouverts, convulsionnés, criant, titubant dans une obscurité blafarde; un spectacle digne d'un mauvais film de zombies. Nous avons visité Exarchia, le quartier des anars où les émeutes d'il y a deux ans ont pris leur naissance suite à la mort d'un ado de 12 ans. Tout le monde est dehors, ça ressemble davantage à un quartier bobo qu'à un nid de révolutionnaires qui justifie que la quartier soit encerclé à toute heure par des escouades anti-émeutes équipés de fusils mitrailleurs. Mais pas plus tard que la semaine passée, mon frère a assisté à la prise à partie d'un policier en civil sur une des manifs/grèves hebdomadaires qui rythment le pays : l'homme s'est retrouvé au sol roué à la barre de fer, le crâne ouvert, la cervelle à même le macadam ... En deux jours, beaucoup de choses glauques, intéressantes et déroutantes, heureusement que nous avions un groupe d'adorables kabyles pour nous accueillir dans leur appart et nous préparer un excellent repas, heureux d'avoir des invités français dans une ville qu'ils compareraient aisément à l'antichambre de l'enfer. Finalement c'est avec un certain soulagement que nous retrouvons un couple d'amis français en vadrouille à travers l'Europe en camion qui nous covoiturent de retour à Patra où nous profiterons du climat plus serein pour filmer un peu, discuter beaucoup politique, vie, culture, avenir, de rien aussi parfois parce que ça fait du bien de rire pour rien quand la réalité est aussi grave. Parce que parmi les junkies il y a malheureusement aussi des migrants qui ont renoncé à leur avenir et qui se piquent dans les bras, le ventre, les yeux, la bouche et provoquent ainsi des plaies purulentes qui leur seront fatales faute de soins. Et puis il y a tous ceux, de 10 à 50 ans qui y croient, qui nous disent "à dans deux mois, à paris !", avec lesquels ont échange les adresses et le téléphone (comme W. que je vois demain pour un café, arrivés tout juste à Paris il y a 2 jours). La Grèce pour nous ça n'aura pas été la plage, les vestiges de l'antiquité, le soleil et le repos mais un moment finalement bien plus riche humainement pour nous : des rires, des silences chargés de sens, des sourires poignants, des visages nombreux qui restent gravés dans la mémoire et des histoires, belles ou simples, souvent tristes, parfois drôles mais toujours émouvantes. C'est de ça que se coupent ceux qui voient dans l'étranger une menace, un envahisseur profiteur, un intrus à notre culture et notre mode de vie, c'est aussi ça que ne voient pas les énarques qui pondent des lois liberticides et dramatiques. Pour eux ça ne sera jamais que des chiffres ... Prochain épisode : La Hongrie, suite de notre périple aux frontières. Prose de Songe, le Lundi 16 Août 2010, 23:14 dans la rubrique "Journal fragmentaire ...".
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