Ma vie n'est pas à romancer, c'est ce qui la rend sans doute si difficile à écrire; à chaque fois que je m'y essaye je me heurte à un blanc, comme si j'étais devenu mon sujet tabou.

J'ai adopté une curieuse position vis-à-vis de moi-même : je n'écris pas ma vie, par pudeur sans doute, par manque de temps sûrement, et sans doute aussi parce que j'y suis tellement immergé que je ne parviens plus souvent à m'en extraire suffisamment pour poser un recul dessus.
Je n'écris pas plus mes sentiments ou mes émotions, je le faisais davantage avant. J'ai mûri, je n'ai pas usé mes rêves, je leur ai donné des angles, des prises, un peu plus de concrétisation : les utopies ont pris le nom de projet et les grandes envolées se sont assagies pour plus de réalisme.

Quand je suis arrivé à Paris j'étais ivre de liberté, aujourd'hui je suis à satiété de compromis, j'ai besoin de me remettre face à demain et le sentir m'appartenir pleinement à nouveau. J'ai donné de mon temps, de ma force, de mes utopies, de mon altruisme à deux ans d'investissements associatifs et politiques intensifs. J'ai peu construit par rapport à ce que j'aurais voulu, sinon moi-même : je me suis érigé bien plus haut et loin que je n'aurais pu l'espérer il y a quelques années encore.

J'ai appris à dépasser ma crainte des autres, à m'adresser à dix comme cinq cent personnes, à organiser mes pensées, gérer, ordonner, organiser celles des autres comme on mène un orchestre. Je me suis découvert un savoir-faire logistique insoupçonné. J'ai aussi rencontré mes limites physiques et mes faiblesses mentales. Je me suis découvert je crois.

Aujourd'hui je veux rassembler tout mon bagage : deux années de responsabilités associative et d'hyperactivisme politique, humanitaire et social, cinq années de profession administrative et d'innombrables rencontres insolites, riches, marginales, belles, précieuses. Je veux ficeler tout ça ensemble, me former davantage et réaliser enfin les utopies qui m'ont guidé tout au long de ces années. Je veux bâtir des espaces de vie pour ceux qui en manquent, mettre ensembles ma créativité, ma folie, ma détermination, mes valeurs et mes idéaux pour faire émerger quelque chose de durable, de profitable pour le plus grand nombre.

Je me sens à la croisée des routes, celles d'une époque où tout et de moins en moins de choses semblent possibles tout à la fois. C'est la magie du monde interconnecté et la désillusion de la mondialisation de l'individualisme. Au cœur de ces paradoxes il faut des repères puissants et j'aimerais faire partie de ceux qui en seront les architectes, parce qu'on écrit qu'une fois l'histoire. J'aimerais que l'histoire que nous écrivons offre autant de rêves que les grands hommes en ont tracé pour nous dans le passé. Je veux être là où se joue l'avenir de l'humanité, dans le creuset de l'humanisme de demain. Ce n'est pas une vanité, c'est juste un désir profond de croire aux autres mondes possibles tout en leur donnant corps.

Voir mon père malade, ma mère douter, mon frère lutter furieusement et dangereusement, mes amis affronter les mille et un tracas de la vie, ma demoiselle supporter mes absences et mes faiblesses, tout ça me donne envie de relever le défi d'affronter tout à la fois.

Je me prends à témoin des projets suivants, pour que les mots ne soient pas de l'air brassé :

- Construire un espace à deux qui puisse accueillir nos créations, nos intimités, nos fantaisies et nos vies quotidiennes, sans les sentir écrasées par quatre murs trop rapprochés.
- Réconcilier engagement et créativité, convictions et imaginations, causes et arts, altruisme et loisirs.
- Apprendre et reprendre les études avec persévérance pour pouvoir construire un projet professionnel et personnel à la fois, qui réponde mes convictions pacifistes, écologistes, humanistes et idéalistes.
- Travailler dans le même temps de façon exemplaire et irréprochable.
- Nourrir mes amitiés négligées et parfois délaissées pour une course aux idéaux qui ne vaut pas que je les sacrifie, parce qu'on ne fait rien pour autrui sans l'y associer.
- Épurer mes pensées et mes réactions des attitudes négatives qui sont la gangrène de notre société et qui tendent à m'abaisser plutôt qu'à m'élever.
- Écouter plutôt que parler, apprendre plutôt que supposer, savoir plutôt qu'affirmer.
- M'ouvrir aux autres et ressortir de ma carapace faussement protectrice
- Écrire, écrire et lire puis partager ...