(Michael Whelan)

Le matin ...

Le matin je me lève alors que la nuit est noire, mon réveil sonne dans la nuit silencieuse et j'émerge péniblement de mon sommeil toujours trop court ...

C'est étrange cette ambiance lorsque la faible lumière au-dessus de l'évier déploie son halo dans le séjour de mon appartement. Les meubles trop nombreux pour cette petite pièce prennent des allures contrastées créant une atmosphère intime ...

La chambre quant à elle revêt une robe pâle bleutée sous le projecteur aveuglant de l'écran d'ordinateur resté allumé après mes évasions virtuelles de la soirée précédente ...

Après un bol de chocolat chaud je m'élance dans l'obscurité en chevauchant mon vieux à mes cheveux et que la douce fraîcheur de la nuit en cette saison s'y attarde. Je vole sur le macadam entre la haie d'honneur des lampadaires immobiles, quelques phares solitaires et égarés viennent parfois m'aveugler avant que je ne m'engoufre dans une bouche du métropolitain parisien ...

J'aime le métro la nuit, il siffle doucement dans les conduits et cueille à quai quelques rares silhouettes fatiguées, solitaires et muettes qu'il emmène vers tous les horizons dans un ballet complexe de rames entrecroisées ...

Les bouches se font béantes et laissent s'échapper des baillements, quelques corps ne résistent pas à la tentation de s'appuyer contre une paroi ronflante et laisser les vibrations les emporter dans une agréable somnolence. Quelques habitués vrillent leurs yeux cernés aux premières pages d'informations qu'ils ont pu trouver dans les kiosques ouverts à cette heure matinale : le monde continue de vivre aux antipodes, la journée commence avec la connexion à ces autres horizons lointains que l'ère de la communication nous sert sur deux feuillets accompagnés d'un café croissant traditionnels ...

Après une heure de trajet je retrouve un ciel plus clair, une autre partie de Paris, banlieue encore endormie où seuls les balayeurs de canivaux, les boulangers dans les effluves de leurs fours et quelques employés matinaux déambulent sur les trottoirs. Parfois un train siffle au loin sur une des voies férées qui serpentent entre les vieux immeubles décrêpis de la périphérie : des serpentins de lumière qu'on apperçoit parfois fugitivement sur l'un des ponts de pierre qui enjambent les rues et bordent les parcs.

Enfin je parviens à mon lieu de travail, agence de presse dissimulée dans une petite rue de Clichy, quelques motards attendent les premières livraisons en échangeant potacheries et résultats de matchs sur le seuil. Puis, passé l'accueil et le groupe d'hommes bruyants, on suit un long dédale de couloirs encore plongés dans l'obscurité où ne clignotent que les lumières de l'appareillage en veille. Escaliers, bureaux, salle de pause alternativement éclairés et sombres, avant de parvenir à la porte du service audiovisuel; nouveau badgeage, machines à cafés, toilettes, service de presse étrangère où s'activent sur leurs claviers quelques personnes occupés à éplucher les nouvelles du monde entier, et puis enfin le service audiovisuel proprement dit où les premiers arrivés quelques temps auparavant sont déjà à l'écoute de l'information économique qu'ils dactylographient dans leurs cabines encombrées de matériel électronique (ordinateur, télévision, magnéto, radios, lecteurs divers ...). Je m'installe à mon poste, je lance l'explorer, je dispose généralement d'un peu de temps avant qu'on me donne à dactylographier quelques entretiens et journaux économiques ...

Et me voilà en train d'écrire ces lignes, à ce poste tandis que le jour se lève doucement; bientôt d'autres collègues vont arriver, les premiers client vont appeler en un concert de sonneries téléphoniques, les touches vont s'harmoniser dans un concerto au rythme effréné et les rires et discussions à haute voix vont remplacer les murmures fatigués ...

Tous les matins j'assiste à l'éveil de monde tandis que les infos viennent de la planète entière pour être traitées, formatées, transcrites, réexpédiées ...

Pour l'heure mon casque diffuse à mes oreilles le son envoûtant et électronique d'une radio du web et je contemple cette image de désert au coeur duquel une mystérieuse cité connaît elle aussi son éveil ...

Qui vit là-bas ? A quoi ressemblent les demeures et les rues ? Quels sont les moeurs de ses habitants ? Dans quel monde repose cette cité ?

Autant de questions auxquelle je laisse le soin à votre imagination de répondre ...