Est-ce que s'avouer dans l'écriture revient à s'enfermer dans un style ?

Ca pourrait être un sujet de philo de terminale L. Il y a ceux qui l'aborderaient de façon anecdotique, avec leurs expériences quotidiennes, ceux, scolaires, qui chercheraient dans leurs cours et leurs lecture un puzzle de réponses toutes faites; et puis il y a les derniers, ceux qui ont la note de l'entre-deux, ni mauvaise, ni bonne, parce qu'ils y sont allés de façon argumentative, spéculative, tissant ensemble logique, déduction, expérience et désir d'écrire.

Ces derniers sont frustrés en fac de philo, bridés par l'aspect purement historico-philosophique des cours. C'était mon cas en tous cas. Il y a bien sûr la jouissance du savoir acquis, cette découverte d'un univers de possibilités et de concepts qui s'étend à l'intérieur de soi , mais il y a, en contrepartie, la conscience d'une limitation cruelle de l'apprentissage à une pure accumulation de concepts.

On pourrait me dire que l'étendue immense des savoirs accumulés par les siècles rend virtuellement impossible la connaissance complète des oeuvres et théories philosophiques et que cette richesse même est créative puisqu'elle impose à l'esprit de se frayer un chemin d'interprétation et d'investigation à travers le passé littéraire. Peut-être est-ce vrai ... même si je ressens comme un malaise dans cette supposition, l'impression de participer à la crise avouée de la philosophie (aucun nouveau système philosophique véritable n'a émergé ou ne s'est auto-déclaré depuis bien des années et les professeurs de philosophie énoncent eux-mêmes assez spontanément leur sentiment de vacuité dans l'actuelle phileïn sophia).

Mais revenons à la question :

Est-ce que s'avouer dans l'écriture revient à s'enfermer dans un style ?

Pour le dire autrement, est-ce que se livrer, faire la confidence de soi-même revient à s'enfermer dans la vision qu'on crée au regard des autres ? Pourquoi cette question ?

Parce que je me rends compte comme l'écriture se crée son style et que ce style s'habitue à lui-même jusqu'à ne plus savoir s'envisager autrement. Or quand ce style traduit une vie, comme c'est souvent le cas sur des blogs, vient un moment où on peut se demander si le style ne prend pas au piège d'une vision unique de la vie qui ne traduit plus nécessairement les différentes facettes autres de celle-ci.

La conséquence est sans doute le blocage qui intervient face à l'écriture, lorsqu'on s'aperçoit que le style habituel ne répond plus au besoin d'exprimer une autre facette de son existence. Tout le courage revient alors au diariste d'attenter à son propre style pour lui faire dire autre chose que l'habitude, un autre aspect soit du quotidien soit de sa personnalité.

La même question peut se poser pour l'atmosphère d'un blog, qui crée une facette, un visage à l'écriture. Or j'ai pu constater comme il est parfois difficile de s'affranchir de cette image complaisante de soi-même pour faire la confidence d'un sentiment qui s'en détache. Comment être dur dans un environnement doux, en colère dans un endroit calme, triste dans un lieu habituellement enjoué, être autre tout simplement que ce que le regard d'autrui a fixé en lui comme image de nous ?

Le blog est comme une peau sur laquelle je tatoue mes mots, chacun qui me contemplera aura alors son jugement, son interprétation de ce qu'il voit. Et lorsqu'il me rencontrera, c'est comme s'il écorchait cette peau pour  voir si en-dessous je lui suis fidèle.

Mais peut-on être un Songe dans la vie véritablement ? Ai-je le moindre pouvoir d'être ce que j'écris en traits et en paroles ? Inversement, ai-je le pouvoir de tordre le style et le verbe pour faire dire aux mots des aspects multiples de moi-même alors que le design, l'ambiance du blog  et de la plate-forme elle-même tendent vers une aura particulière ? C'est sans doute ce qui m'a conduit à ouvrir tant de blogs : le désir de m'écrire multiple, me décliner en facettes innombrables ...

Je vous laisse répondre à cette question pour vous mêmes, ramassage des copies à la fin de l'heure ...

Est-ce que s'avouer dans l'écriture revient à s'enfermer dans un style ?