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Nina : Juste de passage pour te souhaiter un joyeux anniversaire ...Ça fait plus d'un an que je lis tes écrits, sans laisser de traces ^_^.... Georges Brassens avait raison, "ce qu'il faut de malheur pour écrire la moindre chanson" ! Si le chagrin est toujours trop envahissant, au moins il permet chez certains une belle créativité !!! Je te souhaite de ne pas avoir envie d'écrire trop souvent, sauf si c'est pour nous offrir des élans de joie !!! Si je t'encourage à écrire, jamais je ne souhaiterais que tu sois triste pour arriver à écrire de bien belles choses .
Songe : La plupart du temps les beaux moments se vivent et les tristes s'écrivent, c'est ce qui fait soit regretter l'écriture soit jalouser la vie dans les entre-deux, quand l'intensité n'est là ni pour se vivre pleinement ni pour apporter suffisamment d'inspiration. Mais heureusement il y a le souvenir et le ressenti pour ressusciter les peines et les joies et s'en imprégner suffisamment pour qu'il y ait de l'encre à l'encrier :) Merci d'avoir mis un peu d'encre ce soir dans le mien, ça m'a donné envie de me souvenir que j'aime écrire :)
Youssouf : Bonsoir, Songe. Pardonne moi de t'avoir agressé stupidement il y a 16 ans. J'étais très con.
Songe : Il n'u a rien à pardonner, sinon à toi-même :) nous ne sommes pas ce que nous fûmes mais nous pouvons être ce que nous aimerions devenir ...
babao : coucou d'il y a très longtemps, j'espère que tu vas bien.

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Une vie de labeur ...
Le vieil homme range consciencieusement les objets dans un carton, un par un, comme autant de trésors infiniment précieux à ses seuls yeux. Il y a toute une vie de labeur dans ces quelques bibelots : des présents insolites, parfois bien laids ou futiles mais tellement emplis de sens que rien ne saurait les remplacer dans le coeur de l'homme. Cendrier, flacons, chemises, boutons de manchette, montre, stylos, le pêcheur en porcelaine, la petit tour d'ivoire et tant d'autres choses qu'il ne jetterait pour rien au monde et qu'il dépose avec tendresse et émotion sur le lit de velours, au fond de la boîte.

Aujourd'hui c'est le dernier, après il y a le désoeuvrement, une sorte de vide qui soulage et effraie à la fois : plus jamais il ne s'assiera là en rêvant à ce qu'il ferait après ce dernier jour. Il y a déjà deux heures que les autres sont partis, que les flûtes ont retrouvé les tiroirs et les félicitations le silence. Le jour s'éteint et il laisse traîner le rangement, il regarde chaque photo qu'il dépose dans une chemise, s'arrête à tous ces détails devenus si familiers dans les murs décrépis qu'il avait fini par ne plus les voir.


Ses mains déplacent les objets d'un côté à l'autre de la boîte, comme si le carton à moitié vide ne suffirait jamais à contenir autant d'émotion refoulée. Son regard s'arrête sur un petit stylo plume et sa main se met à tremble, il se souvient de ce qu'il avait enfoui il y a si longtemps dans sa mémoire : elle ... pas sa femme qu'il a quitté il y a dix ans, non celle avec qui il a travaillé six mois il ya vingt ans, celle qui venait lui parler tard le soir quand il travaillait encore, envers et contre toute raison, et qui s'asseyait là pour lui parler avec son beau sourire. Au bout de deux mois ils faisaient passer leurs mots polissons dans ce stylo et puis elle avait du partir et il n'avait pas osé la rappeler, pour nombre de raisons bonnes et moins bonnes ...

Etreint par ses sentiments il s'assied sur sa chaise et enfouit la tête dans ses mains, qu'est-ce qu'il aimerait qu'elle entre là ce soir dans la pièce et qu'elle lui redise pourquoi il était là; à quoi bon tous ces soirs ici pour que demain un autre reprenne ses dossiers, le travail d'une vie entière qu'il ne pourra pas transmettre comme il l'aimerait parce que sa place n'est plus ici ? A quoi bon ...

Il dévisse le stylo, quelques mots griffonnés qu'il n'a jamais eu le courage de lire : appelle-moi si un soir tu as besoin de quelqu'un, de moi. Je sais que tu ne le feras pas de suite mais je ne t'en voudrais pas, la vie est longue et il y a toujours un moment où on a besoin d'une personne et pas d'une autre. Je te laisse mon numéro 01 46 45 51 01 , peu importe ta gêne, ta vie, je t'écouterais et te répondrais comme aujourd'hui ... tu me manqueras mais je crois qu'on se retrouvera, je l'espère en tous cas ....

Lui qui n'a pas pleuré depuis 30 ans, sent son coeur fondre en larmes, toutes ces années se déverser hors de lui : il n'est plus le travailleur compétent qui a passé 40 ans à ce bureau sans jamais manquer un jour, de 8h le matin à 20h le soir, il n'est plus qu'un vieil homme seul avec trop peu de souvenirs qui l'tatendent à la maison, parce qu'ils sont tous dans un carton devant lui. Ce sont eux qui sont partis les uns après les autres, remplacés par des jeunes loups sans conscience ni âme, eux qui étaient ses amis. Les nouvelles années, les fêtes, les anniversaires, c'est avec eux qu'il les a tous passé. Tous ces présents c'était de la vie, une autre vie, avec ses valeurs et son sens. Mais là ce soir, il reste une carte insipide signée sans amitié par des gens qui attendent celui qui prendra sa place demain.

Sa main se tend vers le combiné, il compose le numéro, le combiné décroche et une voix d'homme répond, il ne dit rien, repose le combiné et regarde la nuit par la fenêtre. Rien, il ne reste rien ...

Comme mû par une angoisse insodable, il se met à revérifier tous les dossiers, relire les noms de tous ceux qu'il a accompagné durant des années et qui n'ont jamais su que leurs vies était entre ses mains. Le temps passe, il se mure dans tous ces noms, s'y réfugie avant l'inéluctable déchirure. Puis son esprit engourdi par l'âge s'assoupit et l'emporte dans des rêves douloureux, faits de pertes et de disparitions.

Une main se pose sur son épaule et une voix lui murmure à l'oreille :

- Mon pauvre, tu en as mis du temps à appeler, heureusement que mon fils a relevé le numéro. Sinon je n'aurais jamais su ... Allez viens, il y a de la place chez moi et mon lit est bien trop grand pour moi depuis que mon mari est décédé. Tu m'as fait attendre mais je ne t'en veux pas, la vie est encore longue ...

* la nuit se referme sur une vie de labeur *




Prose de Songe, le Jeudi 28 Juin 2007, 00:44 dans la rubrique "Anecdotes".

Commentaires :

Pitseleh
28-06-07 à 01:05

Bonsoir.

Si l'on en tire quelque chose d'important, c'est de se consacrer à ce que l'on veut, ce que l'on aime, ce qui nous fait réellement vivre au lieu de s'enfermer dans les griffes de la société et de lui offrir une parfaite contribution. Je ne dis pas qu'il vaut mieux infiler une tenue de hippie et voyager dans un camion (quoique l'idée me séduit maintenant que je viens d'y penser xD) mais il faut rester modéré.

De plus, ton texte, dumoins son dénouement, montre combien la vie peut-être surprenante. Sa vie s'était son travail et il s'est tout simplement arrêté de vivre. Mais l'infime apparition dans le monde extérieur lui aura servi à revivre.

Un texte triste, mais plein d'espoir concernant l'avenir. :)


 
Songe
29-06-07 à 10:14

L'important est de ne pas s'oublier dans quoi que l'on fasse : que ce soit le travail ou autre, il est essentiel de toujours prendre ce temps de s'asseoir face à soi-même et méditer l'existence que l'on mène.

La vie peut être surprenante à condition de laisser les portes ouvertes et de se laisser surprendre ...

J'aime mettre une pointe de lumière jusque dans la plus profonde obscurité, une façon de dire que la vie germe parfois jusque dans le désert :)

Bonne journée :) !


 

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