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Nina : Juste de passage pour te souhaiter un joyeux anniversaire ...Ça fait plus d'un an que je lis tes écrits, sans laisser de traces ^_^.... Georges Brassens avait raison, "ce qu'il faut de malheur pour écrire la moindre chanson" ! Si le chagrin est toujours trop envahissant, au moins il permet chez certains une belle créativité !!! Je te souhaite de ne pas avoir envie d'écrire trop souvent, sauf si c'est pour nous offrir des élans de joie !!! Si je t'encourage à écrire, jamais je ne souhaiterais que tu sois triste pour arriver à écrire de bien belles choses .
Songe : La plupart du temps les beaux moments se vivent et les tristes s'écrivent, c'est ce qui fait soit regretter l'écriture soit jalouser la vie dans les entre-deux, quand l'intensité n'est là ni pour se vivre pleinement ni pour apporter suffisamment d'inspiration. Mais heureusement il y a le souvenir et le ressenti pour ressusciter les peines et les joies et s'en imprégner suffisamment pour qu'il y ait de l'encre à l'encrier :) Merci d'avoir mis un peu d'encre ce soir dans le mien, ça m'a donné envie de me souvenir que j'aime écrire :)
Youssouf : Bonsoir, Songe. Pardonne moi de t'avoir agressé stupidement il y a 16 ans. J'étais très con.
Songe : Il n'u a rien à pardonner, sinon à toi-même :) nous ne sommes pas ce que nous fûmes mais nous pouvons être ce que nous aimerions devenir ...
babao : coucou d'il y a très longtemps, j'espère que tu vas bien.

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2084 ou la réponse à Georges Orwell

Avant-propos : ayant fait la lecture récente de Georges Orwell, je tenais à lui répondre, ne pouvant rester sur la fin de 1984, trop opposée à ma conception idéaliste et optimiste.

Cher Georges,

Je tenais à vous raconter ce qu'il devait advenir de l'Angsoc, du Parti, de l'Océania et de ses rivaux d'Eurasia et d'Estonia au terme du 21ème siècle, quelques décennies après que Winston Smith, qu'O'Brien et bien d'autres générations de membres du Parti Intérieur et Extérieur aient disparu du passé, effacés méthodiquement de la mémoire, de l'inconscient collectif d'une humanité purgée systématiquement de toute forme d'individualisme.

A force de persévérance dans la déshumanisation, l'Angsoc parvint à contrôler le cycle des reproductions, à orienter génétiquement les générations suivantes par sélection scrupuleuse des caractères dominants, à réduire à une simple dénomination abstraite l'identité des membres du parti. Par ailleurs, l'épuration du langage de tout repère culturel et intellectuel, susceptible de susciter une réflexion indépendante des nécessités immédiates du Parti, contribua fortement à la régression des pensées "déviantes". Le conditionnement atteignit un degré de quasi-perfection : la vaporisation, l'élimination des "brebis galeuse" du troupeau devint purement méthodique et non plus nécessaire.

Ayant achevé de rompre le lien familial, de dénaturer le rapport physique entre individus et de déconstruire l'identité sociale, le Parti semblait avoir atteint l'idéal qu'il s'était fixé : conquérir l'éternel en se figeant dans une forme définitive, un présent immuable.

Mais je vais vous dire ce qu'il advint en vérité : l'Angsoc, vaste entité qui, de Parti unique omniprésent et omnipotent, s'était mué avec le temps en un mode unique d'existence de l'humanité (auquel il n'était même plus permis de penser une alternative) connut son apogée dans le premier quart du 21ème siècle (comme toute civilisation avait vécu la sienne dans l'histoire, avant de décliner et de se diluer dans celles qui suivirent). Dans l'idéal il aurait suffi de figer dans le temps cet instant abouti, de cesser alors toute évolution de quelque nature que ce soit et de reproduire éternellement les conditions d'alors pour s'assurer que ce présent "abouti" demeurerait inchangé. Pourtant, le Parti lui-même avait créé une évolution au sein de son système en faisant régresser continuellement l'état de savoir de l'homme.

Au temps de Winston Smith il fallait l'intellect remarquable d'un O'Brien pour garantir au Parti sa réactivité à toutes les formes persistantes et naturelles de corruption d'un système social. Il fallait qu'il y eût des hommes remarquablement instruits et éduqués pour posséder une une compréhension et vision d'ensemble des nécessités du système afin d'en déceler les failles et les dérives.Ce n'est qu'avec la conscience de ce qui a préexisté, en possession d'une part du savoir accumulé par l'humanité en plusieurs millénaires, que l'expérience d'un individu comme O'Brien peut trouver des points de repères et des références pour analyser les processus de pensée d'autrui et les annihiler consciencieusement.

Or, il est inconcevable que des hommes comme O'Brien puissent admettre qu'une intelligence comparable dotée du même degré de culture et de conscience puisse, sans danger, éclore après eux et conserver une autonomie aussi grande qu'il semble  en disposer lui-même. En effet, il est permis d'imaginer qu'O'Brien n'eut jamais à subir ce qu'il inflige à Weston Smith pour réduire à néant la dernière forme de résistance de celui-ci; car il est évident qu'O'Brien a conçu une part de ce système en lui-même et qu'il a conformé les autres individus à son propre schéma de double-pensée (DoublePensée en Novlang). Et de la même façon qu'il brise un homme qui a atteint un haut degré de conscience des rouages du système, il est évident qu'il brisera tout homme témoignant d'une trop vive intelligence. Or, si O'Brien dispose de cette vivacité d'esprit et cette capacité à réduire à néant toute argumentation allant à l'encontre du Parti, c'est bien parce qu'il a conservé son propre esprit intact des séquelles de la cellule 101; il ne s'est pas vu extirper cette capacité qu'il a de changer de point de vue en se plaçant selon celui de l'autre afin de le détruire imposer sa vision ou du moins celle de l'Angsoc tel qu'il l'a conçu dans son idéal (mégalomane et nihiliste sans aucun doute mais néanmoins personnel puisqu'il a lui-même rédigé le Livre de la Fraternité qui demandait qu'il sache se positionner en ennemi du Parti tout en l'ayant conçu).

Lorsque l'Angsoc eut atteint son apogée grâce au zèle d'esprits aussi brillants, cruels et systématiques que celui qu'O'Brien, que ceux-ci, conscients de devoir obéir à leur propre système se firent vaporiser par leurs pairs, il ne subsista bientôt au Parti Intérieur que des esprits performants mais néanmoins brisés et nettoyés de leur identité par leurs prédecesseurs prudents; des machines cruelles et systématiques qui réduisirent à leur tour d'un cran le degré d'intelligence du Parti Intérieur et Extérieur en annihilant peu à peu les derniers résidus de mémoire historique (qu'ils s'efforcèrent également de faire disparaître chez les prolétaires par la réduction progressive du degré d'instruction et de divertissement accordés à ceux-ci). A ce stade le Parti connut son apogée avec à sa tête des machines humaines dénuées de sentiments et d'émotions, en son sein des classes moyennes des générations déjà fortement conditionnées et déshumanisées, incapables par conséquent de former des pensées criminelles cohérentes, et à ses pieds un prolétariat réduit à son acceptation la plus bestiale : la servitude compensée par la satisfaction des instincts bestiaux avec des manifestations de haine et violence collectives. Dans la conception des fondateurs du Parti, première génération d'idéalistes qui avait conçu ce système, il apparaissait que les choses, parvenues à ce stade, ne pouvaient plus évoluer et qu'elles demeureraient dans le statu quo recherché de façon perpétuelle. Seulement, figer ainsi le savoir, doter l'humanité toute entière de structures incapables d'évoluer davantage, faute du savoir et de la créativité singulière nécessaires pour les développer au-delà de leur niveau actuel, c'était mettre entre les mains d'ignorants le devenir d'une entité sociale dénaturée, ce qui n'est pas viable naturellement sur le long terme.

Et ce qui devait arriver arriva; l'humanité ordonnée et figée fut la victime du seul facteur physique et naturel qu'elle ne pouvait dominer : le chaos. Les catastrophes naturelles, imprévisibles, mirent en difficulté des cerveaux incapables d'y remédier de façon intuitive. L'intelligence régressa à chaque génération d'un cran, incapable d'appréhender, sans une éducation consciente et réactive, fondée sur l'expérience, les technologies héritées et les mécanismes sociaux à vaste échelle ainsi que les accidents biologiques et psychologiques ( que la Novlang avait réduit à une seule définition : CrimePensée ou NonViable).

En 2050 un incendie ravagea Londres et la réactivité insuffisante du Parti Intérieur associée à la disparition totale d'initiatives de la part des membres du Parti Extérieur aboutirent à une hécatombe qui décapita l'Océania de son organe décisionnel. L'Angsoc s'écroula comme château de cartes car nul ne fut capable de reconstituer l'appareil du Parti réduit en cendres. La famine fut intolérable, les populations esclaves ne reçurent soudainement plus d'ordres, la guerre n'eût plus de commandement et les avidités de jadis qui s'étaient éteintes avec le statu quo rejaillirent avec force lorsque Estonia et Eurasia tentèrent d'assimiler l'Océania anéantie. Les instincts de survie demeurés intacts chez les prolétaires par des décennies de servitude conduisirent ceux-ci à entretennir peu à peu de leur propre chez les structures et appareils de production laissés à l'abandon. Les membres du Parti durent se cacher, fuir, réapprendre les lois de la nature et les principes de la survie et les systèmes ébranlés par la convoitise de l'Eurasia et de l'Estonia mirent en branle une véritable dynamique de guerre où chacun ne se battait plus non plus pour garantir l'équilibre du système mais pour empêcher l'autre de prendr eun avantage décisif. La société fut dont réorganisée de telle façon que la guerre put bénéficier d'apports plus grands, les structures sociales furent révisées de la sorte qu'elles aient une autonomie suffisante pour réagir indépendamment et en temps réel à l'évolution de la situation de guerre. Et finalement l'humanité retrouva ses instincts précédents, forcée par les nécessités de survie.

En 2084, il ne reste rien des superpuissances de l'Estasia, l'Eurasia et l'Océania, il ne demeure plus qu'une société quasi-féodale fragmentée entre une multitude de fiefs avides et retranchés.Et si l'humanité a fortement régressée, on peut néanmoins voir renaître les germes de la culture avec la découverte de vestiges d'antan et la prise de conscience collective d'un passé bien plus prestigieux que le présent violent et dévasté par la libération brutale d'une bestialité confinée et canalisée durant trois quarts de siècles de vision et pensée unique. Certaines âmes ont par ailleurs repris conscience de l'inestimable valeur de la paix et du labeur volontaire dont on récolte directement les fruits.

Quelque part dans cet univers blessé, il y a sans nul doute deux êtres qui ont découvert la chaleur et la douceur d'une étreinte et les bienfaits d'une vie isolée des ambitions des puissants, au sein d'une nature prodigue et étonnament belle, livrée à elle-même ou cultivée avec humilité.

Cultivons notre jardin disait Candide, c'est ce que je souhaitais répondre à Georges Orwell, persuadé que dans le coeur des hommes, niché dans la fournaise de ses ambitions et de ses idéaux destructeurs, il y a aussi les germes du beau et de la simplicté, de l'amour et de l'altruisme, n'attendant que les aléas de l'histoire pour éclore à nouveau, contre toute attente.




Prose de Songe, le Mardi 19 Septembre 2006, 20:20 dans la rubrique "Pensées".

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