J'ai souvent senti le ridicule de cet aller-retour sur mon blog, cette constante remise en cause de l'écriture et je continue à souvent avoir cette pulsion que je sais partagée par beaucoup de vouloir cesser le "diarisme" comme on l'appelle (encore que je ne me livre pas au récit détaillé de mes journées).

En fait j'ai ressenti cette impulsion à partir du moment où l'écriture est devenue attente, besoin et dépendance; quand beaucoup mettent un point final comme on prendrait un train sans retour, je ne peux pas imaginer disparaître soudainement d'un endroit où réside une partie de moi-même sans que toute trace de vie que j'avais pu y trouver ou déposer ait disparu. Il y a ces personnes que je "rencontre" et pour lesquels je ressens toujours la curiosité de vouloir savoir ce qu'ils écrivent, ce qui les motive dans leur écriture et quelle personnalité donne corps à leurs textes. De toute ma vie j'ai toujours tenu à comprendre et analyser le monde qui m'entourait alors que je constate que bien des personnes que je rencontre ont ce regard fixe ou fuyant qui ne fait que survoler sans s'attarder sur les choses et les gens : il est rare que je croise un regard qui soit animé par la volonté de quêter le mien comme je quête constament celui des autres. Quand je suis derrière mon écran, je ne peux pas non plus m'arrêter à ces alignements de caractères, ces titres gras ou italiques, ces mises en pages pâles ou colorées, sobres ou chargées, je cherche à comprendre ce que dissimule chacune de ces pages à l'aménagement choisi; je cherche à déceler ce qui pourrait me révéler un peu de la personnalité qui se dissimule derrière toutes ces lignes agrémentées d'images.

Parfois je me sens interpellé par un texte qui me paraît pertinent au regard de ce que je ressens, par une émotion vive, par des ambiances éloquentes, par l'âme sous-jacente à la forme du site ou exprimée ouvertement dans le contenu. A ce moment-là j'attarde quelques mots, une remarque, un compliment, une réponse à une question ouverte, etc. C'est pour cette raison que j'accepte difficile les critiques de formes comme de fond qui ne s'appuient sur aucune analyse approfondie mais sur un a priori de première impression; si je m'arrêtais toujours à la première impression que j'ai des gens que je suis amené à rencontrer quotidiennement je pense que j'aurais une vision bien étriquée de l'humanité.

Finalement, à bien y réfléchir, je pense que je n'ai pas fait de réelle dissociation entre réalité et net et que c'est aujourd'hui que je suis souvent incité à le faire alors que le net n'est jamais que la continuité, une facette de la réalité comme chaque moyen de communication en sera une autre. Tout naturellement je suis allé aux gens comme j'aimerais aussi naturellement pouvoir le faire dans ma vie quotidienne (qu'on ne me case pas dans la catégorie des frileux associaux chroniques parce que je pense avoir fait suffisament d'effort dans le sens d'une sociabilisation pour savoir que je ne suis tout simplement pas quelqu'un d'à l'aise dans les relations sociales de façon spontannée) et j'ai établi avec eux des relations rapport à nos affinités ou sympathies reciproques et respectives.

Il y a peu j'étais encore porté à regretter cet excès de spontanéité ou d'implication dans des relations "virtuelles" mais à présent je me rends juste compte que ce n'est pas lié au virtuel mais simplement à une adéquation entre mon attitude quotidienne et ma personnalité virtuelle : je ne devrais tout simplement pas m'impliquer davantage via le net que je ne saurais le faire "IRL", question d'intégrité je pense. Le piège est d'espérer par la suite que la relation quotidienne se conforme à la relation virtuelle alors qu'on sait par avance le décalage existant entre la personnalité qui anime le pseudonyme et celle du dénommé "untel" domicilé à "telle adresse", de nationalité "telle" ...

C'est partiellement pour cette raison que j'ai fermé mon premier joueb et que j'ai cessé d'utiliser mon compte msn courrant : je ne voulais plus de cette facilité de communication qui consiste à être sur un clavier ce qu'on ne peut tout simplement être quotidiennement. Pourtant je me défends de toute accusation de fuite ou de lâcheté : je ne pense très sincèrement pas fuir la "réalité" et je ne cherche aucun refuge dans un espace virtuel derrière une étiquette anonyme; je suis ici parce qu'il y a une part de moi qui ne trouve pas d'expression au quotidien, qui ne trouve pas de cadre qui sache l'accueillir ni d'outils qui sachent l'imager et la reproduire. C'est pour cette raison que les descriptions comme "poète riomantique de pacotille" ou "artiste qui se veut ...", ou encore les traits sur la forme de mes écrits qui ne respecteraient pas une forme conventionnelle de la langue de Molière et mon blog qui ne s'encombrerait pas de manier autre chose que le simpliste CSS/HTML mis à disposition, ces traits là me laissent perplexes et démontrent la force des préjugés à l'encontre du diarisme en général (comme si l'outil à disposition déterminait pleinement la fonction du contenu : ce n'est pas parce qu'il y a des statistiques que ça implique une mesure systématique de l'audimat, ni que le système de publication implique qu'on s'adresse à un public).

Autant pour moi si mon attitude n'a pas suivi auparavant la ligne que je m'efforce de suivre actuellement et si j'ai eu un temps ce sentiment de responsabilité morale vis à vis d'une communauté qui n'existe jamais que dans les faits matériels mais n'a, je pense, aujourd'hui plus réellement d'existence de fond. J'ai identifié mon sentiment justiciaire et mon idéalisme à une communauté au travers d'un altruisme aveugle et prétentieux mais je le regrette sincèrement parce que j'ai conscience d'avoir finalement désservi les valeurs que je défendais à ces moments-là.

Je pense que j'interviendrais probablement encore souvent dans ma vie de façon ouverte et publique parce que je suis toujours profondément touché par l'injustice mais j'éviterais de prendre la parole autrement qu'en mon seul nom propre, assumant seul ma fierté (prétentieuse sans doute) d'obéir à des principes moraux (arbitraires peut-être) qui correspondent pour moi à la conception du juste.

De même que le laisser-faire conduit dans la vie quotidienne à la dégradation des libertés individuelles au profit des opportunistes et profiteurs sans scrupules, je crois que cette tolérance sur le net conduit à des censures du type LEN et des comportements associaux généralisés et inconséquents (comme les forums, chats, sites, etc. en sont envahis). Ces incivilités ne sont pas que du ressort de l'administrateur, du législateur mais également de la responsabilité individuelle : je considère que la moindre des choses est de se conduire pareillement derrière un clavier qu'on nous incite à le faire au quotidien (même si on est loin du respect et de la tolérance à ce niveau). Les mesquins, les sadiques, les voleurs, les vandales, etc. n'ont aucune raison d'être tolérés et acceptés au nom d'une confortable liberté d'expression. Ce n'est pas parce qu'une société paraît vicieuse qu'il faut s'y laisser aller à ses vices en toute impunité !

Je ne suis peut-être pas un modèle de vertu (et je n'aspire pas à l'être contrairement à ce que certains pourraient m'allouer comme prétentions) mais je suis assez conscient des conditions de vie en société pour en déduire ma responsabilité tant vis à vis de moi que de ceux qui m'entourent. Si j'ai le sentiment que mon environnement se dégrade je l'exprime et accepte pleinement la critique mais je ne pense pas que faire assaut de vilainie, d'hypocrisie et de mauvaise foi soit le recours du juste et si quelqu'un a le sentiment que j'en fais preuve je l'incite fortement à me le faire remarquer et me le justifier.

Si je ressens donc souvent cette envie de cesser mon écriture c'est parce que, comme je l'exprimais dans mon texte de clôture de mon précédent joueb, je suis las qu'on me manque de respect ou qu'on le fasse vis à vis de ceux que j'apprécie. Mais comme je viens de le dire, je ne conçois pas de m'esquiver face à ces circonstances et je continue à privilégier la sincérité même si certains pourraient la trouver blessante (auquel cas je suis toujours disposé à revenir sur mes propos si on me persuade qu'ils sont exagérés ou injustes).

Voilà, comme je le dis dans mon article précédent : chacun est libre de passer son chemin si ce que j'exprime ici ne convient pas à ses goûts esthétiques ou sa vision des choses; à défaut j'ai mis à libre disposition une adresse pour répondre aux critiques et mes commentaires sont accessibles à tout un chacun ...