J'essaye de faire en sorte de me calmer et de reprendre mes réflexions à leur départ puis de décanter tout ça avant de faire quoi que ce soit d'autre ...

Alors commençons par le commencement ...

Je suis toujours très doué pour trouver les problématiques pour les autres mais quand il s'agit de moi-même je vais trop vite en besogne et je ne m'attache pas au problème de fond.

Alors quel est le problème de fond qui fait qu'en ce moment j'ai l'impression de ne pas être moi-même mais trop souvent entraîné par des pulsions aussi soudaines que violentes et étrangères ?

Parce que je peux répéter 100 fois et de 100 façons différentes les causes immédiates et désigner les responsables de mes coups de colère ou de blues ça ne me dira pas ce qui en ce moment fait que ceux-ci s'enchaînent si rapidement les uns aux autres.

Qu'est-ce qui a changé ? Qu'est-ce qui me préoccupe particulièrement ?

J'ai l'impression que ce qui me perturbe particulièrement c'est le caractère si éphémère et inconstant et de mes relations et de mes jugements les concernant. Parfois ça me donne le sentiment d'être un Candide qui peu à peu serait amené à la conclusion que le seul bonheur réside dans un contentement du minimum. En effet je me rends compte que je n'ai pas cessé de faire des concessions sur mes valeurs depuis quelques années.

Mais quelles sont ces valeurs dont je parle beaucoup mais que je décris peu ? Ces mêmes valeurs que mon frère dit défendre mais qu'il n'a pas été en mesure de me décrire précisément sinon comme quelque chose allant de soi, quelque chose de fondamental et intuitif.

Je crois que mes valeurs se résument tout simplement dans l'intuition que j'ai de la tolérance, le libre-arbitre, le partage, la réciprocité, l'authenticité, la sincérité, l'attention et la compréhension. C'est relativement abstrait et libre à l'interprétation de chacun et il est vrai qu'il est difficile aux autres de deviner à quelle hauteur j'ai fixé la barre de mes principes mais j'ai tendance à être sincère et prévenir un certain nombre de fois de mes limites avant de réagir avec colère lorsque je me rends compte qu'elles sont remises en cause malgré l'avertissement et les éventuelles discussions qui auront suivi celui-ci.

Or aujourd'hui je suis conscient que je suis jamais loin de franchir des points au-delà desquels il est difficile de revenir; ça s'appelle tout simplement des engagements. L'engagement dans une vie donnée et la restriction progressive du champs des possibilités par la suite.

Je pense que c'est cet engagement qui me rend nerveux et me fait rechigner en ne faisant pas tout ce que je devrais si j'étais persuadé que ma décision est justifiée. Je veux être bien certain de ne pas m'illusionner sur la justesse de mes choix comme ça a pu m'arriver auparavant. De voir tant de personnes s'illusionner en construisant des vies sans conviction qui s'écroulent comme château de cartes au premier souffle d'air je reste perplexe.

J'ai le sentiment qu'il va falloir que je me prenne autant de temps qu'il faudra pour tracer de bout en bout des parcours hypothétiques qui ne soient pas que des bêtes profils professionnel dont on ne saura jamais ce qu'il vaudront d'ici quelques années. Prendre le temps de revenir sur chaque a priori, chaque certitude pour estimer judicieusement et les objectifs et leurs éventuelles implications.

Déjà cette année m'aura appris un certain nombre de choses, pour en revenir à l'introducton de mon article :

Tout d'abord j'ai appris que ma supposition selon laquelle la base la plus fiable pour construire une vie étaient les relations et non le matériel (finances, biens et position sociale), cette supposition ne tenait que par rapport à la vision idéale que je me faisais des relations humaines et de leur évolution. Or j'ai pu constater comme mon erreur a été grande de m'attacher à cette idée fixe : les relations sont aussi imparfaites et incertaines que nous ne le sommes (et c'est logique), à quelques rares exceptions prêt où il y a une véritable volonté d'adaptation de part et d'autre. Je n'avais tout simplement pas tenu compte du caractère passionnel des sentiments qui peuvent remettre en cause tout d'un jour à l'autre. Et par ailleurs je n'avais pas tenu compte du fait que la base matérielle évolue selon l'évolution qu'on souhaite pour elle tandis que les individus obéissent à une évolution qu'on ne peut pas vouloir contrôler (même si certains ne se gênent pas). Je ne voulais pas m'appuyer sur une base matérielle parce que je craignais la dépendance qui en découle; là encore je me suis mépris et j'ai négligé le fait qu'une fois cette base matérielle établie rien n'empêchait la volonté de la remettre en cause ensuite.

Je pense, suite au raisonnement précédent, que j'alloue encore une fausse nécessité aux relations humaines au détriment d'un engagement matériel sérieux; cette obsession de la solitude qui fait craindre de se retrouver le plus seul des hommes à la tête d'un empire m'amène à adopter encore la politique de l'autruche et placer l'essentiel de mes attentes dans ceux qui m'entourent. Il faut que je parvienne à accepter le fait que m'engager dans une profession, des études, des concours n'équivaut pas à me mettre la chaîne au molet et que ce ne sont pas les mains des autres qui me feront la courte-échelle vers un sommet hypothétique; c'est même l'engagement auprès de personnes qui constitue la véritable dépendance, parce qu'on ne peut pas laisser l'autre nous donner son appui et envoyer bouller cet investissement au premier changement d'avis. Mais ça ne veut pas dire que les amis, amours, parents, etc. ne sont pas indispensables : ils le sont comme appuis, juges et conseillers moraux, ils sont un peu comme les étoiles qui guident le marin sur la mer. Après l'essentiel est concentré dans le gouvernail et la force de détermination, son aptitude à le diriger sous des vents favorables. La mer c'est un peu cet élément imprévu qu'est la vie, et ce sont les performances et connaissances seules du marin qui réduiront les risques de naufrage.

L'avantage des métaphores est qu'après on inverse les corrélations entre les différents éléments du tableau pour retrouver des correspondances nouvelles au niveau de notre existence; par exemple j'ai l'impression que trop souvent je m'obstine à attacher ma survie morale à un phare de sentiments qui m'aveugle, comme beaucoup de monde d'ailleurs je pense. Alors qu'au fond l'essentiel réside dans l'intuition et la solidité de l'embarcation.

Si je reprends donc tout ce que je viens d'écrire, il faudrait que je résolve enfin à m'engager dans une voie sans espérer toujours que la solution vienne de la présence d'autrui, c'est une méprise je pense parce que l'attente est éternelle : ce n'est quand on prend son élan que les autres se positionnent par rapport à lui sinon ils restent à cette indécision et ce statu quo dans lequel on est soi-même empêtré.

Bon, voilà une première introspection qui m'aura déjà remis quelques pensées en place et m'évitera certains jugements trop hâtifs et critiques dans les temps à venir. Comme quoi ce travail d'introspection régulier est une nécessité pour moi et je crois que je vais m'y astreindre de façon systématique et pas comme un dernier recours avant le trop plein.