Je me sens un peu perdu au milieu de tout ça, de ces voeux qu'on m'adresse soudainement et de ces cadeaux qu'on me fait ...

Un peu désorienté et je crois que je préfèrerais vivre ces fêtes sur un petit nuage tout là-haut en regardant sans participer, juste m'allonger sur le ventre au milieu des volutes et puis laisser mon regard s'appuyer sur mes deux coudes croisés pour balayer ce monde qui festoie ...

Il est difficile de reprendre le service en argent quand on est habitué au couvert de plastique, difficile de faire honneur à la profusion et l'abondance quand on s'est accoutumé au rationnement. Et aussi tout cet argent, comment ne pas le comparer au fruit de son propre labeur quotidien et ressentir le fossé ...

Ce matin j'écoute la musique de mon blog avec un sentiment un peu tristounet, je repense au roman d'Amélie nothomb, l'Hygiène de l'assassin et je me rends compte comme elle avait raison de dire que de ceux qui lisent il n'y en a vraiment que si peu qui le font autrement que de façon passive; ici j'en finis moi-même par écrire de façon passive à force de ne pas trouver vraiment de prolongement à ce que j'exprime dans ce qu'on me répond, généralement. Qui me lit véritablement ? Qui fait autre chose que me consommer puis me reléguer dans un fond de pensée ? Qui participe dans sa lecture à ce que je ressens ? Je me le demande ...

Je n'ai pas envie qu'on me rassure en me murmurant le refrain des lendemains chantants où tout est beau et meilleur, je le connais, il est éculé. J'ai envie d'autre chose que des mots et des promesses. Mais peut-être suis-je moi-même constament aux prises avec des promesses que je laisse à demain le soin de réaliser. Qu'attends-je ?

Lorsqu'on veut prendre soin de moi je fuis, lorsque je veux prendre soin de quelqu'un il fuit; passerais-je ma vie à passer à côté de mon affection et de celle d'autrui ? Comme des bêtes effarouchées qui ne savent se toucher, s'aimer et s'enlacer spontanément, des bêtes apeurées par les chaînes qu'elles devinent dans l'affection, assoiffées de farouche indépendance et qui pourtant se réfugient dans la dépendance à un confort languissant pour ne pas devoir assumer une angoissante indépendance qui les effraie quand elle se conjugue à la solitude.

Je conserve toujours cette satisfaction de me dire que je peux sur un coup de tête briser tous les efforts récents pour suivre ma douce folie du moment. Tant que mon esprit sera libre et saura se libérer par la relativisation et l'abstraction ...

Mais est-ce une vie ?

Dans Veronika décide de mourir, Paulo Coelho décrit une personne qui a plaqué toute sa vie pour se soumettre totalement à son amour, traverser les océans, endurer toutes frustrations juste pour une passion irraisonnée. Au fond de moi je sais que je suis pareil mais que ma raison le dissimule habilement : un jour je ne serais plus ni sage, ni censé, ni même juste, simplement j'aurais fermé toutes les écoutilles de la raison parce que j'aurais eu besoin de m'en libérer, et je balancerais toute ma vie sur un coup de folie pour suivre une chimère qui donnera à mon existence une intensité bien supérieure à tous ces compromis que l'on fait à sa nature pour garrantir une sécurité qui ressemble au final à une cage dorée. Je n'écouterais plus les cris incompréhensifs, outrés ou même blessés que je trahisse des promesses qu'ils ne m'auront jamais donné l'occasion de réaliser mais qui leurs servent de béquille illusoire quand depuis quelques années ils évitent le miroir. On serait capable de vous faire mourir à petit feu avec des attentes pour lesquelles on ne se laisse jamais le temps, le loisir où les circonstances d'y répondre : toute une comédie pour se persuader que demain les 24 heures en contiendront 48 et que le temps qu'on ne s'aménage jamais aujourd'hui surgira miraculeusement demain. Cette mauvaise foi m'irrite ...

Il y a un passage très juste dans ce roman où la jeune fille qui en est le personnage central et échoue dans un hôpital psychiatrique slovène après avoir voulu se suicider, prend conscience qu'elle a tenté de se prendre la vie pour fuir le constat qu'elle aurait pu se donner les moyens d'avoir une autre vie mais qu'elle s'est contonnée à toujours faire en sorte que sa vie soit routine et constance par crainte d'y introduire un autre ingrédient que l'ennui et l'insipidité. Combien de personnes s'ouvrent les veines parce qu'elles préfèrent fuir le monde que de s'affronter elles-même, parce qu'elles préfèrent disparaître avant d'avoir du essayer d'émerger véritablement ? Combien de personnes préfèrent s'enlever toute opportunité de trouver un goût à l'existence en rendant insipides tous leurs aliments ? Ils savent au fond qu'ils ne sont pas insignifiants mais ils ne veulent surtout pas risquer de devoir assumer une signification à leur vie alors que le néant a ce côté rassurant qu'il n'abrite aucune inconnue. Ils savent qu'ils sont lâches parce qu'ils n'ont jamais voulu tenter d'être courageux. Et ils savent qu'ils ne trouvent aucun attrait à la vie parce qu'ils se sont mis des oeillères où ils ont écris dessus que le monde n'était que suie et fange. Ils ne se maintiennent qu'avec l'illusion que l'amour viendra les transporter au 7ème ciel mais ils n'y investiront jamais que le minimum pour pouvoir être bien certains que même l'amour ne dure pas et que finalement tout n'est que fumier incommodant et malodorant. Il se traîneront des années en détruisant tout autour d'eux, leurs amis, leurs amours, leurs amants, leur famille, simplement parce que ça procure juste ce qu'il faut de souffrance pour conserver son intensité à la vie ...

Ces personnes-là brisent des gens altruistes parce qu'ils leur sucent toute essence vitale, profitant de leur bonne volonté jusqu'à la lie et se rassasiant de leurs tourments en y puisant le confort qu'un être bon tient suffisament à eux pour s'abîmer à veiller sur eux. Ce sont ces sangsues-là qui crient à la trahison au jour où on cesse le jeu dans lequel la souffrance excuse que les attentions ne vont jamais que dans un sens (ils sont toujours trop faibles pour donner mais jamais pour absorber ce qu'on leur donne).

C'est parce que malheureusement bien des personnes sont ainsi dans une plus ou moins grande mesure que parfois je me dis que les véritables amis ne me retiendront pas mais me suivront, m'accompagneront ou me précéderont dans ma vie. Aussi, je ne devrais pas avoir de mauvaise conscience à faire mes bagages le jour venu ...

Je me sens un peu désorienté, oui, face à ces réflexions qui deviennent de plus en plus fréquentes ...

Rien que pour le titre il faudrait que je lise "Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part", ça correspond finalement tellement à ce qui m'angoisse le plus : non pas la crainte de marcher seul mais celle de pas toujours avoir une halte sur ma route pour me reposer corps et âme aux bons soins de quelqu'un ...

On me dira que ça n'a rien d'original, que j'exprime là le souhait de l'essentiel de l'humanité ; sans doute oui, après tout je ne suis qu'un humain parmi les autres ...