(Michael Whelan)

 
Deviens brin d'herbe quand souffle la tempête,
Les pieds enracinés dans la terre et la tête flottant dans le ciel,
Deviens une pierre dans le déluge,
subis sa violence sans jamais bouger
Deviens Dragon contre le torrent et
Deviens montagne devant les forces du mal sans jamais faiblir et même si ta vie est en danger...Résiste !

Saint Seiya, paroles du maître Shiriu

Ces mots m'évoquent aussi la "Litanie contre la peur" des sorcières du Bene Gesserit dans le Cycle de Dune de Frank Herbert :

 Je ne connaîtrai pas la peur, car la peur tue l’esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l’oblitération totale. J’affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu’elle sera passée, je tournerai mon oeil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n’y aura plus rien. Rien que moi.

La maîtrise de sa vie, de son être comme un tout en parfaite harmonie, la discipline de soi, de son corps comme de son esprit m'ont toujours fasciné.

Comme ces moines Shaolin ou ces fakirs indiens qui ont su dépasser leurs limites grâce à une spiritualité qui les mène à une parfaite connaissance et maîtrise d'eux-même.

En nous il y a comme cet immense mur d'eau qui nous noie lorsqu'on tente de le franchir, qui nous écrase sous son poids losqu'on essaye de s'y mouvoir, qui nous rend flou l'horizon lorsqu'on tente d'y voir au travers. La peur de l'étouffement, la crainte de ne pas supporter la pression, l'appréhension de ne pas pouvoir revenir en arrière, toutes ces angoisses qui nous retiennent de franchir une frontière qui pourtant n'est pas solide.

Deviens pierre dans le déluge, subis sa violence sans jamais bouger

Franchir ses propres limites c'est faire face à cette peur, changer sa détermination en pierre et la lancer au travers du déluge sans dévier de sa route. Comme un caillou que l'on lancerait au-travers d'une cascade garderait sa trajectoire si la force qui le projette était suffisante pour s'opposer à celle du courant. La volonté doit se projeter de l'avant avec suffisament de force pour franchir l'obstacle qui s'oppose à elle.

J'ai toujours considéré que la première composante de la force n'était pas le muscle mais la volonté : le muscle sans la volonté n'est qu'une chair morte et flasque. La volonté sans le muscle trouve des recours, se fait astucieuse et cherchera le moyen de mouvoir les choses et de se mouvoir même dans la faiblesse du muscle.

Je crois qu'à la volonté il n'est qu'un véritable obstacle dans la plupart des cas : la peur ...

La peur est la petite mort qui conduit à l’oblitération totale

La peur de soi, la peur des autres, peur de se trouver dans l'incapacité d'assumer la vie qu'on souhaiterait, peur qu'un pas hors de soi donne à l'autre les armes pour détruire notre élan; la peur fige dans cette inertie craintive, cette négation de soi et de tout ce qui nous entoure jusqu'à vider le monde de toute raison qu'il pourrait y avoir d'y assumer sa vie. La mort de l'identité, la mort des valeurs, la mort du sens, la mort de l'existence au final ...

Je pense qu'on a généralement conscience de ces barrières qu'on érige nous-même et qu'avec l'habitude on rend infranchissable à l'aide d'angoisses et d'inhibitions. C'est un peu comme murer notre chemin de vie puis déclarer qu'il fait une impasse quand le ciment est dur; mais ce qu'on peut contruire on sait aussi le détruire, preuve en est que l'on met un zèle extraordinaire à provoquer sa propre ruine : la volonté ne manque pas quand il s'agit de s'emmurer vivant par tous les moyens.

Tout est une question de prise de conscience puis de courage : celui de faire la tentative d'une issue nouvelle et personnelle à sa situation, ne serait-ce que pour ne pas se morfondre indéfiniment jusqu'à n'être plus que l'objet de sa haine la plus intense, de son mépris le plus profond, carcasse déchue de sa dignité et soumise à la dégradation jusqu'au dernier échelon.

Nier l'existence de cette issue c'est se nier le droit de vivre, c'est émettre un jugement de valeur à son encontre alors même qu'on perd toute valeur autre, c'est se condamner en s'acquittant "je n'assume pas ma vie parce que j'en suis indigne". Mais relativement à quoi saurait-on juger cette indignité ? A quoi et à qui ?

Je crois que personne n'est apte à juger de l'indignité de qui ou quoi que ce soit, ce sera toujours un préjugé, une présomption ...

Et là où elle sera passée il n'y aura plus rien. Rien que moi ...

Résiste !